De Lanvin à La Chocolaterie de Bourgogne en redressement judiciaire, comment en est on arrivé là ? La CFDT exige une solution industrielle de qualité !

Publié le 01/12/2017

Pour les dijonnais la Chocolaterie de Bourgogne c'est le souvenir de Lanvin (depuis 1921 !) et ses "escargots Bourgogne" pour les fêtes de fin d'année ; pour les français Lanvin c'est Salvador Dali dans une pub des années 70 " je suis fou du chocolat Lanvin". Puis Lanvin a été cédé au britannique Rowntree-Mackintosh et ses "Quality street", puis Nestlé avec ses barres chocolatées "Lion", puis Barry-Callebaut leader mondial de la fabrication de cacao et chocolat qui s'est finalement désengagé de Dijon. Depuis les solutions trouvées complexes l'ont été à grand renfort de soutiens des pouvoirs publics nationaux et locaux et dernièrement au début de l'été notamment de la Caisse d'Epargne. Depuis les salariés, qui ont un savoir faire dans les différentes gammes de produits chocolatés, voient de nouveau leur emploi menacé. Interview de Christian BOUGNON délégué syndical CFDT et élu au Comité d'entreprise et au CHS-CT de la Chocolaterie de Bourgogne.

WEB CFDT BFC : avant de passer à l'actualité brûlante de l'avenir de leur entreprise pour les salariés de la Chocolaterie, peux tu nous rappeler en quelques mots l'histoire de la société et la dernière période cruciale pour la vie de l'entreprise et de ses salariés. 

Christian BOUGNON : Pour les dijonnais la Chocolaterie de Bourgogne c'est le souvenir de Lanvin à Dijon en ville boulevard Carnot puis dans la ZAE CapNord. Puis Lanvin a été cédé au britannique Rowntree-Mackintosh et ses "Quality street". Suite au rachat de Rowntree-Mackintosh par Nestlé, l'entreprise de Dijon intègre Nestlé France.  L'usine est calibrée pour une production internationale de gros volumes sur 3 créneaux : les barres chocolatées, le chocolat industriel et la confiserie. Suite à la montée en puissance des messages "manger sainement" (on retire les barres chocolatées des distributeurs des établissements scolaires), Nestlé souhaite préserver son image. Tout en gardant la marque escargot Lanvin *, Nestlé parvient à céder l'usine avec un certain volume de commandes à Barry-Callebaut leader mondial de la fabrication de cacao et chocolat qui s'est finalement désengagé de Dijon pour céder l'entreprise à 3 cadres en 2012. Stratégie de miser sur les marques de distributeur (MDD) avec des marges contraintes, peu d'innovation, etc. le capital a vite fondu et on se retrouve avec un important déficit en octobre 2014. Février 2015 reprise en urgence après liquidation par de nouveaux actionnaires principaux que sont les fonds d'investissements Vareva et Nimbus ainsi que le transformateur ghanéen de cacao Plot imposé par le tribunal pour un projet industriel novateur de la fève de cacao au produit final.

WEB CFDT BFC : Où en est-on aujourd'hui ?

Christian BOUGNON : Dés juin 2015 la CFDT a informé les salariés du manque de visibilité sur le projet réel. En mai 2016 suite à une expertise du cabinet Syndex la CFDT s'inquiète de l'attitude des actionnaires en sus des difficultés économiques et financières et malgré 6 millions € de financements publics par l'achat des" murs" de l'Usine. Le ghanéen Plot se désengage, le Fond Nimbus arrête son soutien financier.  Eté 2016 la CFDT souligne l'état de cessation des paiements : plusieurs fournisseurs lâchent la Chocolaterie dont le principal fournisseur de matière première cacao. En octobre 2016 la CFDT écrit au Procureur de la République sur les difficultés de l'entreprise et la nécessité d'un diagnostic partagé entre la direction et les représentants de salariés pour trouver les voies de son redressement. Le recours devant le Tribunal de commerce est refusé par les actionnaires et l'Etat. Nous sommes alors en total désaccord avec la commissaire au redressement productif. La Chocolaterie entre dans un engrenage d'échéancier de ses dettes sans vision opérationnelle. 

Projets d'investissements abandonnés, cessions de lignes de production à l'arrêt, relations tendues avec les fournisseurs, échec sur plusieurs appels d'offre, actionnaires inaccessibles et organisant leur désengagement, cadres évincés, procédure d'alerte économique déclenchée tardivement par le commissaire aux comptes de l'entreprise, transmission des biens de l'entreprise en garantie de paiements (fiducie sureté) à la Caisse d'épargne et à l'Etat, dialogue social réduit, etc. tel est l'environnement anxiogène ajouté aux réorganisations contraintes, démissions, ruptures conventionnelles, etc. dans lequel vivent les salariés y compris le management !  

Août 2017 entrée surprenante dans ces conditions de 3 nouveaux actionnaires dont la Caisse d'épargne de Bourgogne Franche-Comté et le fond d'investissement Rubis capital Bourgogne du PDG d'Eurogerm pour aboutir à l'annonce du redressement judiciaire le 25 octobre traduisant ainsi également l'abandon par les actionnaires "historiques" de toute volonté

Ce 1er décembre 2017 se tient le Comité d'entreprise avec l'appui de l'expertise comptable et économique du cabinet SYNDEX.

Lundi après-midi 4 décembre la CFDT donne rendez-vous aux salariés et à celles et ceux qui veulent les soutenir devant la cité judiciaire où le Tribunal de commerce examinera les premières propositions d'éventuels repreneurs. 

  

WEB CFDT BFC : quelles sont aujourd'hui les propositions de la CFDT pour la Chocolaterie de Bourgogne ?

Christian BOUGNON : d'abord il nous faut du temps pour trouver un industriel qui ait une véritable politique industrielle, qui soit dans la filière amont de la fabrication afin de sécuriser nos approvisionnements en cacao et de réduire ainsi les risques financiers liés aux variations de son cours sur les bourses commerciales internationales de négoce alimentaire. 

Si des salariés sont désemparés (et on peut les comprendre après avoir été 6 à 800 sur le site et moins de 200 aujourd'hui) par ces multiples reprises et l'absence de volonté de développement des actionnaires majoritaires, ils n'en constituent pas moins un  véritable collectif de travail avec un savoir faire qui permet des innovations.

C'est pour cela qu'au delà de notre rôle actuel dans les institutions représentatives du personnel, il nous faut être présent au conseil d’administration pour discuter avec les actionnaires des projets, des politiques industrielles, commerciales et des investissements de l'entreprise. 

CHRISTIAN PETIT 

WEB CFDT BFC : en cette fin d'année, la vitrine que constitue la boutique de vente du centre ville va attirer les achats "chocolatés" des dijonnais ....

Christian BOUGNON : ....oui ceci est la reconnaissance de notre savoir faire et aussi une forme de solidarité envers les salariés de la Chocolaterie. D'autres boutiques devaient voir le jour en France et même en Europe ; malheureusement ce projet ambitieux a connu un coup d'arrêt. De ce fait la vente en boutique représente pour l'instant un faible pourcentage de notre chiffre d'affaire tourné vers la grande distribution. Toutefois ce bel investissement réalisé à Dijon dans l'hyper centre-ville permet de valoriser notre travail ...et aux dijonnais de marquer leur soutien aux travailleurs de l'entreprise.

 

* Concrêtement les escargots Lanvin actuellement dans les linéaires de confiserie pour les fêtes de fin d'année sont des escargots Nestlé et pas des escargots de la Chocolaterie de Bourgogne